Le 16 novembre 2022, nous avons lancé notre nouveau rapport : Les roues du changement : Des motos sûres et durables pour l’Afrique subsaharienne, en collaboration avec nos partenaires, la Fondation FIA et la FIM. Ce rapport offre, pour la première fois, un examen complet de toutes les questions – les bonnes et les mauvaises – autour des motos en Afrique subsaharienne, qui sont en train de transformer rapidement le continent.
Dans cette région, le nombre de motos (deux et trois roues) a rapidement augmenté au cours des deux dernières décennies. Cette croissance a été rendue possible grâce à la disponibilité de motos à prix abordable, principalement en provenance de Chine et d’Inde et par leur utilisation croissante à des fins commerciales informelles. Ainsi, les motocyclistes ont pris l’habitude de transporter des passagers et de livrer des marchandises en contrepartie d’un tarif. Nos recherches ont révélé qu’actuellement, en 2022, environ 27 millions de motos sont immatriculées en Afrique, contre moins de 5 millions en 2010. Il est estimé que 80 % des motos sont utilisées en tant que taxis-motos pour passagers ou pour des services de livraison.
Dans de nombreux pays, divers facteurs économiques et sociaux ainsi que d’autres forces impactent fortement la croissance du nombre de motos à usage commercial. Nous pouvons citer, entre autre, la croissance démographique continue, l’urbanisation rapide, l’état médiocre des infrastructures routières, le manque d’aménagements pour piétons et cyclistes ainsi que les opportunités d’emploi limitées pour les jeunes hommes. Cette croissance devrait se poursuivre, voire s’accélérer, dans les années à venir, avec une adoption croissante des motos dans de nouveaux pays et l’augmentation des acquisitions privées de ce moyen de transport.
Les citadins ont recours aux taxis-motos pour se rendre dans leurs magasins et bureaux, contournant les embouteillages notoires des villes africaines. Les enfants sont emmenés à l’école par l’intermédiaire de ce moyen de transport. Les agriculteurs utilisent des motos pour acheminer leurs produits vers les marchés le long des pistes cahoteuses de leur village. Les agents de santé s’en servent pour accéder aux villages reculés et les femmes enceintes sont emmenées à l’hôpital en moto.
L’essor des motos à usage commercial a généré des millions d’emplois à travers le continent, principalement pour les jeunes hommes, peinant à trouver d’autres emploi alors qu’ils sont souvent la source de revenus de leur famille. Outre les quelques 27 millions de conducteurs de taxis-motos et de livreurs à motos, des millions de propriétaires de motos, de mécaniciens et de vendeurs de pièces de rechange gagnent leur vie grâce à ce secteur.
Cependant, la conduite d’un taxi-moto ou d’une moto de livraison représente un métier précaire également associé à des risques pour les passagers et les piétons. Dans certains pays africains, les décès de motocyclistes représentent plus de la moitié de l’ensemble des décès sur les routes. Au Togo, ce chiffre dépasse même 70 %. À Dar es Salaam, en Tanzanie, plus de la moitié de tous les enfants piétons blessés sur les routes ont été renversés par une moto. Alors que les taux de mortalité routière diminuent dans d’autres parties du monde, ils augmentent en Afrique, en partie à cause des décès liés à la circulation en moto.
Outre le risque de blessure, l’essor des motos engendre plus largement des impacts environnementaux, sanitaires et sociaux négatifs. La pollution de l’air ambiant, qui comprend la pollution des véhicules motorisés, a contribué, en 2019, à la mort de plus de 350 000 personnes en Afrique. Malgré leurs petits moteurs, les motos peuvent également causer des nuisances sonores. De plus, les motos sont parfois associées à la criminalité comme par exemple les délits mineurs de vol, les vols à main armée, le phénomène des justiciers et le banditisme ainsi que l’exploitation des passagers et des motocyclistes.
Notre rapport propose un programme d’action axé sur des mesures prioritaires visant à sauver des vies, améliorer l’environnement et renforcer la sécurité des conditions de travail et comprend les éléments suivants :
- Intégrer les motos dans les politiques de transport sûr et durable, en coordination avec la transition des moteurs thermiques aux motos électriques ;
- Introduire des normes relatives aux casques de moto, développer des installations de test et améliorer la mise en vigueur de ces normes ;
- Développer des programmes de formation de motocyclistes efficaces et abordables, en subordonnant l’octroi de licences à la formation et à la réussite aux tests ;
- Rendre obligatoire les systèmes de freinage antiblocage (ABS) sur toutes les motos importées, assemblées, fabriquées et vendues.
- Prendre en compte les motos dans la conception des infrastructures routières.
La version française du rapport (à télécharger ici) a été annoncée lors d’un évènement à Lomé, au Togo, en présence de nombreux acteurs nationaux et internationaux.
Lors du lancement, Saul Billingsley, directeur exécutif de la Fondation FIA, a déclaré : « Avec la croissance rapide de l’utilisation des motos, nous constatons que l’équilibre entre les vies et les moyens de subsistance se joue dans la rue. Les motos permettent de disposer d’un moyen de transport relativement bon marché, mais elles ont un coût humain et environnemental élevé. Avec certaines villes africaines qui devraient doubler de taille au cours de la prochaine décennie, il devient urgent de mettre en place un programme d’action qui atténue ces impacts négatifs, en se concentrant sur la nécessité du port du casque en moto, sur l’ABS et l’électrification, tout en planifiant un avenir à faible émission de carbone rendu possible par la plus grande disponibilité de transports en commun propres. »
Tom Bishop, directeur du programme Amend et auteur principal du rapport a déclaré: « Le secteur des motos échappe au contrôle des gouvernements, de la politique, de la législation. C’est pourquoi nous avons rédigé ce rapport, en examinant les questions de sécurité mais aussi les questions d’économie, d’électrification, de mobilité, d’accès et de planification. »
Mme Nanamolla OURO-BANG’NA, cheffe de la division du contrôle routier, représentant le Ministère des Transports Routiers, Aériens et Ferroviaires a mentionné dans son discours que « le Ministère chargé des transports œuvre inlassablement pour le renforcement de la sécurité routière conformément à la politique du Gouvernement et ce rapport permet de fournir un cadre à ce travail. »
L’annonce de ce rapport est une première étape visant à aider les pays et les communautés africaines à atténuer les risques liés à l’utilisation des motos. Amend poursuivra son engagement aux côtés des gouvernements et de ses partenaires pour mettre en œuvre les recommandations du rapport et promouvoir un secteur motocycliste plus sûr, plus durable et plus équitable à travers l’Afrique.