Il est environ 11 heures du matin, le 28 février, à l’école Escola Primaria Completa Guebo de Maputo, au Mozambique. Un chauffeur entre dans la salle et prend tranquillement place à un petit bureau. Face à lui, un groupe de quatre écoliers, âgés de huit à douze ans, est assis. L’un d’eux lui demandé : « Saviez-vous que vous étiez en excès de vitesse ? Savez-vous pourquoi ? » Un autre enchaîne : « Connaissez-vous la limite de vitesse à respecter dans les zones scolaires ? Quelle est la vitesse à respecter ? » Puis un troisième ajoute : « Savez-vous que vous mettez nos vies en danger ? »
Le conducteur, intercepté par la police de la circulation pour excès de vitesse aux abords de l’école, a été directement conduit à l’intérieur de l’école. Les enfants se sont préparés pendant au moins deux jours pour jouer le rôle de juges et d’éducateurs. Ils ont appris à être confiants et fermes. Ils se sont entraînés à l’école et à la maison avec leurs familles. Ils sont membres du Tribunal des enfants.
Le Tribunal des enfants est le lieu où les conducteurs qui ont enfreint le code de la route dans les zones scolaires sont confrontés aux enfants de l’école, en temps réel. Il s’agit d’une initiative gérée par Amend, en collaboration avec High-Volume Transport applied research program, UK AID, Direcção da Educação e Cultura da Cidade de Maputo (Conseil de l’éducation et de la culture, Maputo), INATTER (Institut national du transport routier du Mozambique) et Comando Geral da PRM – Policia de Transito (police de la circulation mozambicaine).
En février et mars 2019, cinq écoles autour de Maputo ont accueilli le Tribunal des enfants, pendant deux jours. Lorsque le tribunal est en session, la police locale arrête les conducteurs commettant des infractions telles que l’excès de vitesse, le dépassement dangereux, l’usage du téléphone au volant ou l’absence de ceinture de sécurité près des écoles et les invite à comparaître immédiatement devant le Tribunal. Selon les circonstances, ce processus peut remplacer une amende. Les jeunes jurés interrogent entre neuf et douze conducteurs par jour. Ils interrogent les conducteurs sur leurs infractions en particulier et sur la sécurité routière en général. Ils les informent également des lois locales en matière de sécurité routière et leur demandent de s’engager à conduire prudemment.
À l’Escola Primaria Completa, le conducteur reconnaît son erreur, prend un engagement, esquisse un sourire et semble soulagé. Selon Texel Cossa, administrateur et responsable de programme d’Amend au Mozambique, cette réaction est courante : « La plupart des conducteurs ont peur en entrant dans le Tribunal des Enfants, car c’est la dernière chose à laquelle ils s’attendent après une arrestation par la police. Mais après l’audience, certains demandent même à être pris en photo avec les enfants, avec leur propre téléphone, pour immortaliser ce moment et partager leur expérience ».
Le programme a un impact à plusieurs niveaux : les enfants apprennent la sécurité routière d’une manière active et mémorable. Lorsqu’ils pratiquent leur rôle de juges à la maison, les leçons du Tribunal des enfants sont également apprises par les autres membres de la famille. L’effet immédiat des audiences étonne les conducteurs appréhendés et ne leur permet pas de déformer ou d’oublier facilement les faits. Après coup, chacun a une histoire à raconter, ce qui contribue à la diffusion des messages de sécurité routière.
Un avocat qui a récemment été arrêté et jugé par le Tribunal des enfants a été si impressionné qu’il a proposé d’aider le programme en accompagnant la formation des futurs juges. Un agent de la circulation travaillant au Tribunal des enfants a récemment souligné : « Ceux qui ne tirent pas de leçon de cette expérience, c’est qu’ils ne le veulent vraiment pas ». Les témoignages et résultats montrent que ces cas restent rares. Cela signifie que davantage de personnes sont sensibilisées à la sécurité routière et que davantage de vies pourraient être sauvées.

